Chef d’entreprise aux activités internationales, Magdalena Martullo sait que l’économie de nombreux pays membres de l’UE est au bord de l’abîme. L’explosion du chômage dans l’UE poussera encore plus de personnes à venir en Suisse. C’est possible grâce à la libre circulation des personnes bien qu’en Suisse aussi la population souffre de la crise économique. Il est donc plus urgent que jamais que la Suisse reprenne le contrôle de l’immigration pour éviter d’être submergée par une vague de main-d’œuvre bon marché en provenance de l’UE, constate la conseillère nationale.
Madame Martullo, vous dirigez une entreprise internationale qui a son siège en Suisse et qui exporte ses produits dans le monde entier. La pandémie Covid-19 a déclenché une crise mondiale. Comment évaluez-vous la situation économique?
Nous allons ressentir encore longtemps les conséquences économiques de cette crise. La relance sera lente, car les conséquences du confinement ont durement frappé les entreprises et les particuliers du monde entier.
Quelles en sont les conséquences pour l’économie suisse?
L’économie suisse a perdu environ 20% de sa performance habituelle. Certaines branches, comme la gastronomie, ont été durement touchées. L’industrie d’exportation mettra longtemps à retrouver son niveau d’avant la crise. Environ 100’000 emplois pourraient disparaître d’ici à la fin de l’année. Les jeunes travailleurs et les seniors en seront les principales victimes.
Quelles mesures faut-il prendre en Suisse?
Il est important que nous garantissions d’abord des emplois aux indigènes. Des immigrants ne doivent être acceptés que pour les postes pour lesquels on ne trouve personne en Suisse. Or, une étude a révélé que seul un immigrant sur cinq travaille dans un secteur où il y a pénurie de personnel. Quatre étrangers sur cinq ne viennent donc pas parce que le marché du travail a besoin d’eux, mais uniquement parce qu’ils peuvent immigrer librement. Ils évincent de leurs places de travail les Suisses et les étrangers qui sont déjà ici. Au Tessin, l’immigration a baissé les salaires de 20%. Si nous voulons conserver nos salaires et notre qualité de vie, nous devons reprendre la main sur l’immigration. Tous les pays du monde agissent de la sorte ! Pourquoi pas la Suisse ?
La crise provoquera-t-elle une nouvelle vague d’immigration en Suisse?
Evidemment! Le chômage augmente massivement dans tous les pays membres de l’UE. Les programmes de relance agissent trop lentement ou restent sans effet. Voilà pourquoi de nombreux citoyens de l’UE tentent leur chance en Suisse. La crise due à la pandémie Covid-19 augmentera cette immigration qui est déjà démesurée.
Cheffe d’entreprise aux activités internationales, vous connaissez fort bien les défis que doit relever l’industrie d’exportation suisse. Le 27 septembre le peuple suisse vote sur l’initiative de limitation qui redonne à la Suisse les moyens de gérer elle-même l’immigration. Quels en sont les avantages pour l’économie suisse?
Les professionnels dont l’économie a besoin et qui ne sont pas disponibles en Suisse doivent pouvoir immigrer simplement et sans obstacle bureaucratique. En revanche, il n’est pas acceptable d’engager des étrangers uniquement parce qu’ils sont moins chers. Un ressortissant de l’UE a droit aux indemnités de chômage suisses dès son premier jour d’engagement s’il a travaillé au préalable à l’étranger et nous versons aussi des indemnités de chômage à l’étranger. Ces prétendus chômeurs, nous ne les voyons jamais, mais nous les entretenons avec les prélèvements sur nos salaires. Ces abus doivent cesser. Nous pouvons corriger la situation en veillant à une immigration mesurée.
Les adversaires de l’initiative de limitation prétendent que l’économie suisse ne pourra plus recruter de la main-d’œuvre étrangère en cas d’acceptation de l’initiative. Quelle est votre position?
Pourquoi ne pourrait-on plus recruter du personnel à l’étranger? Nous reprendrons tout simplement l’immigration en main, souverainement, au lieu de nous laisser submerger par un afflux de ressortissants de l’UE. La majorité des immigrants actuels ne répondent d’ailleurs pas aux besoins de l’économie suisse. Pour les entreprises, il est bien sûr plus simple et moins cher de pouvoir recruter parmi 450 millions de ressortissants de l’UE que de devoir engager d’abord les indigènes. Les Suissesses et les Suisses doivent avoir la priorité. C’est ainsi que les choses se passent dans le monde entier. Si nous voulons engager un étranger aux Etats-Unis, en Chine, au Mexique ou au Japon, nous n’obtenons un permis d’immigration que si nous pouvons prouver que nous ne trouvons pas la personne adéquate sur place. En cas de oui à l’initiative de limitation, nous pourrons continuer de recruter à l’étranger, mais nous déciderons nous-mêmes qui a le droit de venir.
On affirme aussi que l’économie suisse n’aurait plus accès au marché intérieur de l’UE. Est-ce vrai?
C’est évidemment faux. L’accès au marché pour les exportations n’est pas réglé par l’accord de libre circulation des personnes, mais par l’accord de libre-échange de 1972. De plus, il y a les règles de l’OMC sur le libre commerce. L’initiative de limitation donne au Conseil fédéral douze mois pour négocier une nouvelle solution concernant la circulation des personnes. S’il n’y parvient pas, il doit résilier l’accord. Il est à mon avis très peu probable que l’UE laisse aller les choses jusque-là, car elle tire trop d’avantages des accords bilatéraux I. Et si elle le fait quand même? Alors nous négocierions de nouveaux et de meilleurs accords bilatéraux. En outre, croyez-vous que nos clients étrangers achètent des produits suisses à cause de l’accord de libre circulation? Absolument pas! Les clients achètent des produits suisses à cause de leur bonne qualité et ils continueront d’agir de la sorte.
La Grande-Bretagne a quitté l’UE notamment à cause de la libre circulation des personnes. En France on discute également d’une préférence nationale et en Allemagne le parti CDU demande une restriction de l’immigration. Est-ce le début de la fin de la libre circulation des personnes?
L’augmentation du chômage met les gouvernements sous pression et les force à assurer en priorité les emplois de leur propre population. Il n’est pas étonnant qu’à côté de la Suisse, la Grande-Bretagne et la France aient également compris à quel point la libre circulation des personnes est désavantageuse pour leur population. La réalité est que le gouvernement suisse n’a jamais vraiment négocié avec Bruxelles concernant l’immigration ! Avec son taux d’étrangers exceptionnellement élevé de plus de 25%, la Suisse pourrait de toute manière invoquer diverses règlementations d’exception, comme elle l’a fait face à la pandémie Covid-19. L’initiative de limitation fait clairement comprendre au Conseil fédéral que l’immigration illimitée ne peut pas continuer et qu’il doit négocier une meilleure solution avec l’UE!