L’UDC exige que la procédure d’introduction du vote électronique soit stoppée. Il n’existe aucune raison valable imposant une extension des possibilités de voter, bien au contraire. Compte tenu des connaissances actuelles, des manipulations des résultats de votations et d’élections ne peuvent pas être exclues. Faute de connaissances techniques spéciales, elles ne pourraient d’ailleurs pas être décelées. Le risque d’une atteinte irréversible à la confiance en la démocratie directe est considérable. Compte tenu des récentes informations sur les déficiences du système de vote électronique de la Poste, il faut même s’interroger d’une manière générale sur le sens que revêt l’ouverture de cette consultation. Il s’agit là encore une fois d’un gaspillage d’argent des contribuables. Plusieurs points importants du rapport explicatif sont déjà dépassés par la réalité actuelle. Il est grand temps de mettre fin à cet activisme irréfléchi et de songer plutôt aux améliorations ponctuelles et pratiques qui pourraient être apportées au système de vote par correspondance. Pour toutes ces raisons, l’UDC s’oppose à l’heure actuelle au passage de la phase d’essai à la mise en exploitation du vote électronique.
Un activisme qui menace la démocratie directe
Bien qu’il soit établi aujourd’hui que l’ouverture d’un canal de vote supplémentaire n’accroisse pas la participation aux scrutins, la Chancellerie fédérale se lance à fond dans ce projet sans tenir aucun compte des voix critiques. La première des priorités doit toujours être accordée à la fiabilité des résultats des votations et élections et, partant, à la confiance que les citoyennes et citoyens ont dans ces résultats. C’est uniquement si ces exigences sont satisfaites que l’on peut, dans une démocratie directe, demander à la minorité de se plier au verdict de la majorité. La foi aveugle dans le progrès technique est totalement déplacée en cette matière. Il faut aussi rappeler qu’un vote est une affaire sérieuse et qu’un déplacement irréfléchi de cette action dans le domaine virtuel peut émettre un signal indésirable, alors que, dans d’autres domaines de la vie quotidienne et des contacts officiels, les rapports sont toujours codifiés sur papier et par des signatures manuelles. Dans ces derniers domaines, une numérisation pourrait sans doute apporter plus d’avantages qu’au niveau des droits politiques.
Qui plus est, le Conseil fédéral est incapable de dire aujourd’hui quand on disposera d’une solution totalement dématérialisée qui mérite effectivement le nom de vote électronique. Le rapport explicatif indique à ce propos que les données d’accès et codes de vérification continueraient d’être envoyés par la voie postale. Pour les Suisses de l’étranger, les fans de technique, les adversaires du papier et d’autres milieux intéressés, le gain d’efficacité serait donc limité – et totalement disproportionné par rapport aux risques encourus.
Il est proprement incompréhensible que l’Etat cherche, d’un côté, à renforcer la sécurité cybernétique et la protection des données (les entreprises sont elles aussi toujours plus sensibles à cet aspect et font preuve d’une prudence accrue), alors que, de l’autre côté, il ouvre toutes grandes les portes au transfert de données sensibles avec des risques énormes pour la démocratie directe.
Une perte de confiance quasi irréparable
La démocratie directe et les institutions politiques bénéficient en Suisse d’une confiance profondément ancrée. L’importance de ce facteur pour la stabilité de l’Etat est capitale. Pour être manipulé, le vote décentralisé dans l’urne ou par correspondance dans chaque commune individuellement exigerait une action extrêmement lourde. Il est à l’opposé de la scalabilité relativement simple pour influencer le canal de vote électronique et de la complexité d’un système qui, moyennant les solutions disponibles actuellement, ne permet pas de comprendre totalement le processus faute de connaissances spéciales. Pour empêcher durablement une perte de confiance dans le système, il faut pouvoir partir du principe que toute manipulation des résultats est exclue. Une pénétration du système par des tiers, voire la simple allégation que le système a été pénétré, suffirait à perturber durablement la confiance des citoyennes et des citoyens. Il est hors de question de prendre un tel risque à la légère. La confiance dans le décompte correct des voix exprimées lors d’élections et de votations est essentielle dans une démocratie, notamment pour les minorités perdantes.
Le projet mis en consultation est dépassé par l’actualité
Dans son rapport explicatif, la Chancellerie fédérale mentionne à plusieurs reprises le système de la Poste Suisse qui, affirme-t-elle, est en train de mettre la dernière main au développement d’un système assurant une vérifiabilité totale. Ces déclarations sont à l’opposé des connaissances actuelles en la matière. Deux semaines avant le test d’application officiel, la Poste a en effet admis le 12 mars 2019 que le code source comportait des erreurs graves. Nonobstant toutes les belles promesses et certifications, des experts informaticiens de réputation internationale ont décelé des défauts de sécurité désastreux et des faiblesses considérables dans le système de vote électronique de la Poste. Pour tenter de calmer les esprits, les responsables ont prétendu que le système de vote électronique utilisé actuellement dans les cantons n’était pas concerné par ces déficiences. Juste deux semaines plus tard, soit le 29 mars 2019, la Poste a été contrainte d’avouer qu’un défaut critique affectait également le système de vote des cantons, si bien que celui-ci a dû être suspendu.
Cette affaire jette non seulement un doute sur la compétence et/ou l’honnêteté de la Poste en tant que développeuse de systèmes de vote électronique, mais elle montre de surcroît que le rapport explicatif de la Chancellerie fédérale est dépassé par l’actualité et qu’il repose en bonne partie sur des hypothèses infondées. Le temps n’est pas encore mûr pour le vote électronique et les systèmes disponibles sont encore inutilisables dans la pratique. L’UDC met donc fondamentalement en question le sens de ce projet et de la consultation ouverte à son sujet. Les réponses données à la consultation avant le 12 mars 2019, donc avant que soient connues les déficiences du système de la Poste, n’ont évidemment plus aucune valeur. L’UDC invite le Conseil fédéral à mettre fin à cette action et à attendre des technologies mûres, dûment vérifiées et compréhensibles pour tous avant de passer de la phase d’essai à la mise en exploitation du vote électronique.
Vérifier sans préjugé les alternatives possibles
D’ici là, l’UDC invite le Conseil fédéral à faire vérifier sans préjugé des alternatives et des possibilités d’amélioration concernant le vote par correspondance, notamment dans l’idée de faciliter la participation des Suisses de l’étranger aux scrutins. On peut citer à titre d’exemple la motion Zanetti (19.3294) qui propose l’envoi par voie électronique du matériel de vote pour réduire au moins la durée de la première moitié de la procédure de vote par correspondance des Suisses de l’étranger. On pourrait aussi songer à la possibilité de remplir les formulaires de vote sur l’ordinateur avant de les imprimer afin de réduire le nombre de votes nuls.
Il existe, dans les rapports entre les citoyens et les autorités, de nombreuses possibilités d’alléger la bureaucratie et la paperasse à l’aide de solutions numériques. La Chancellerie fédérale serait bien inspirée d’y réfléchir avant de se précipiter dans des domaines aussi délicats que le vote électronique.
Garantir la transparence sans connaissances techniques spéciales
Si, malgré la nouvelle situation et la menace d’un moratoire imposé par une initiative populaire largement soutenue, le Conseil fédéral devait s’obstiner à poursuivre la procédure d’introduction du vote électronique, l’UDC exige que les systèmes soient mesurés à l’aune des standards minimaux suivants:
De l’avis de l’UDC, le projet de révision de la loi ne tient pas assez compte de la transparence et de la vérifiabilité des résultats sans connaissances techniques spéciales. L’art. 8 b du projet de loi sur les droits politiques doit donc être complété.
Créer de nouvelles voies de recours
Selon le projet mis en consultation, le Conseil fédéral agit comme une instance d’autorisation alors que les systèmes sont certifiés par un service indépendant. Le cercle des experts disponibles en Suisse n’étant sans doute pas très grand, l’indépendance entre les experts de l’administration, les services de certification et les développeurs des systèmes risque d’être mise à rude épreuve. Partant de ce constat, l’UDC exige donc l’institution d’une voie de recours juridique permettant de faire opposition à un système de vote électronique dont la sécurité paraît lacunaire. Une telle voie de recours doit pouvoir être empruntée indépendamment d’un scrutin spécifique, c’est-à-dire dès qu’un défaut du code source publiquement accessible ou une autre lacune de sécurité a été découvert. Il s’agit donc de créer dans l’art. 77 al. 1 LDP une voie de recours supplémentaire en plus du droit de recours concernant les votations et élections.
Renoncer provisoirement à passer de la phase d’essai à la mise en exploitation
En résumé, l’UDC invite le Conseil fédéral à ne pas mettre en jeu à la légère la confiance des citoyennes et des citoyens dans la démocratie directe. Rien ne presse, si bien que l’UDC appelle le gouvernement à renoncer provisoirement à passer de la phase d’essai à la mise en exploitation du vote électronique. L’examen de ce projet ne pourra être sérieusement repris que lorsque les doutes de principe sur la sécurité et la transparence seront éliminés et qu’un projet commercialisable soit disponible.