L’UDC souhaite maintenir au niveau national l’épuisement en droit des brevets sans aucune restriction. L’abandon du principe de l’épuisement national serait nocif pour la recherche et le…
Réponse de l’Union démocratique du centre UDC
L’UDC souhaite maintenir au niveau national l’épuisement en droit des brevets sans aucune restriction. L’abandon du principe de l’épuisement national serait nocif pour la recherche et le développement scientifiques en Suisse. Le droit de la propriété en serait considérablement affaibli et, de surcroît, la Suisse violerait ainsi des engagements internationaux.
L’UDC soutient donc l’option de base de l’épuisement national sans exception conformément au point 2.1.1.1 du rapport explicatif. Voici les principales raisons qui amènent l’UDC à prendre cette position:
1. L’épuisement national fait partie de la garantie constitutionnelle de la propriété
Un changement de système qui consisterait à passer d’un épuisement national à un épuisement régional ou international affaiblirait considérablement la protection de la propriété intellectuelle si importante pour la place économique suisse. Or, la propriété intellectuelle est sauvegardée par la garantie de la propriété figurant à l’art. 26 de la Constitution fédérale. Plus que tout autre, un pays aussi hautement développé que la Suisse se doit de protéger la propriété intellectuelle à côté de la propriété mobilière et immobilière. L’Etat doit donc protéger par des brevets les inventions comme c’est le cas d’une propriété privée. Il s’agit là d’un facteur essentiel de la prospérité que connaît la Suisse aujourd’hui.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le droit du brevet suisse doit absolument comprendre l’exclusivité lors de la commercialisation de produits brevetés dans les conditions garanties par le régime légal et économique suisse. Seul le principe de l’épuisement national satisfait intégralement à cette exigence. L’épuisement international constituerait pour notre pays une intervention grave dans les droits de la propriété intellectuelle.
2. Financement des activités de recherche et de développement
Un changement de système enlèverait aux détenteurs des brevets la possibilité d’adapter leurs prix aux différentes conditions concurrentielles sur les marchés. Or, cette marge de manœuvre est indispensable pour permettre aux détenteurs des brevets de tenir compte des différents pouvoirs d’achat afin de réaliser le rendement nécessaire à l’innovation. En cas d’épuisement régional et plus encore dans un système d’épuisement international les bénéfices d’innovation qui sont indispensables au financement des activités de recherche serait fortement réduits. Or, ces activités sont nécessaires à la compétitivité d’une entreprise sur le marché.
L’épuisement international conduirait donc à long terme à une forte baisse de la prospérité, car il entraînerait une baisse du rendement, donc une réduction des moyens à disposition des entreprises pour la recherche et le développement. Ce constat évident est confirmé par le fait qu’aucun pays industrialisé n’a admis à ce jour l’épuisement international. Bien au contraire, des pays émergents comme l’Inde et la Chine passent au régime de l’épuisement national pour renforcer leurs industries.
3. L’épuisement international ne réduit pas les prix à la consommation
Un changement de régime en matière d’épuisement des droits des brevets n’aurait guère d’effet sur les prix. Les différences de prix par rapport à l’étranger ont des raisons fort diverses et ne proviennent pas en priorité des épuisements nationaux des droits des brevets. Les plus grandes différences existent en effet dans les branches dans lesquelles la protection des brevets ne joue pas de rôle ou ne joue qu’un rôle secondaire. Dans les secteurs où la protection des brevets est importante, les différences de prix proviennent principalement des obstacles techniques au commerce. On constate d’une manière générale qu’avec l’augmentation des obstacles techniques au commerce les différences de prix par rapport à l’étranger s’accroissent. Il est dès lors insensé de promettre aux consommateurs une baisse des prix en Suisse grâce à la suppression de la protection des brevets alors qu’il est évident que ces différences ne peuvent être compensées que par l’abaissement des obstacles techniques au commerce.
Dans sa réponse à la consultation sur le principe du Cassis de Dijon, l’UDC ne s’est d’ailleurs pas prononcé de manière définitive contre une harmonisation à ce niveau avec l’UE. Il est cependant évident que ce pas doit être franchi de part et d’autre des frontières nationales. Mais il ne faut pas oublier non plus qu’en cas d’autorisation des importations parallèles les importateurs parallèles encaissent la majeure partie du bénéfice provenant des différences de prix, si bien que les consommateurs n’en profitent finalement que très peu.
4. Approvisionnement de pays à faible pouvoir d’achat
L’approvisionnement de pays à faible pouvoir d’achat avec des produits novateurs (par exemple, des médicaments contre le Sida) serait remis en question en cas d’introduction de l’épuisement national. Il serait en effet imaginable qu’un produit développé à grands frais en Suisse puisse être acheté à bas prix par un pays africain ou sud-américain, puis réimporté en Suisse par la voie parallèle. Cette pratique amènerait forcément les entreprises concernées à renoncer à commercialiser leurs produits sur les marchés de ces pays.
Il est également hors de question de conclure des accords verticaux pour assurer la protection des brevets dans ce domaine, car les coûts de transaction de tels accords sont trop élevés et parce que ces derniers devraient de surcroît être admis par le droit des cartels. Ainsi, les pays du tiers monde et les pays émergents seraient les premiers perdants en cas d’introduction de l’épuisement international.
5. Contrôle suffisant des abus par le biais du droit cartellaire
Un brevet ne conduit pas systématiquement à une position dominante sur le marché, mais provoque cet effet uniquement dans des cas isolés. Comme il existe aujourd’hui déjà fréquemment des produits de substitution par rapport aux produits protégés par des brevets, la concurrence entre ces biens échangeables reste garantie.
La formation des prix par le détenteur du brevet est soumise depuis longtemps déjà à la surveillance de l’autorité chargée d’empêcher les abus en matière de concurrence. L’effet préventif de la loi sur les cartels est réel en raison des sanctions possibles, si bien que des restrictions à l’importation nuisibles à la concurrence paraissent peu probables.
6. Un épuisement régional unilatéral est invraisemblable
Une introduction unilatérale de l’épuisement régional dans le droit des brevets avec l’UE serait aussi insensée que la reconnaissance unilatérale du principe du cassis de Dijon. Cette action serait par ailleurs contraire à plusieurs conventions internationales et exigerait des négociations compliquées avec la CE et avec les Etats contractants de l’EEE. Partant de ces constats, l’épuisement régional n’est pas non plus une solution de remplacement valable par rapport à l’épuisement national.
En résumé, l’UDC rejette l’abandon du principe de l’épuisement national pour des raisons relevant de la protection de la propriété, de la sauvegarde de la recherche et du développement scientifiques en Suisse, de l’absence d’effets utiles pour les consommateurs, de l’approvisionnement des pays à faible pouvoir d’achat et d’un contrôle déjà bien suffisant des abus en matière de concurrence.